Gotlib peut-il vieillir ? Impossible, dira le lecteur de BD, forcément biberonné petit à ses planches de Rubrique-à-brac et autres Dingodossiers, à la maestria visuelle éclatante pour les petits pas encore lettrés et les plus grands.
Mais c’est justement parce que l’oncle Marcel occupe une place éminente dans nos souvenirs enfantins que l’on ne peut que reconnaître que, lui aussi, traverse le temps en prenant quelques années au passage.
L’écoulement des jours a conduit le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme (MAHJ), sis dans l’hôtel de Saint-Aignan dans le 3e arrondissement de Paris, à organiser une exposition rétrospective, pour les 80 ans de Gotlib. Ouverte début mars 2014, elle s’étalera jusqu’à la fin de ce mois de juillet.
Et le moins que l’on puisse dire est qu’elle rend massivement grâce à la puissance de l‘Auteur. Déployée sur plusieurs étages d’une aile du musée, elle nécessité bien plusieurs heures, qui ne sont pas de trop pour espérer faire le tour des très nombreux originaux, vidéos et autres supports rassemblés pour l’occasion. Si l’on est irrémédiablement submergé par le volume impressionnant de l’exposition – écho à la capacité de Gotlib à saturer l’espace dans ses planches –, le visiteur peut grâce à la scénographie de l’exposition un peu mieux appréhender la complexité et la cohérence de l’œuvre. On entre en immersion chronologique dans la production du dessinateur, avec sa science absolue du lettrage, en comprenant un peu mieux certains ressorts tragiques de sa personnalité, lui qui perdit son père mort en déportation et fut caché pendant la Seconde guerre mondiale pour échapper aux persécutions antisémites. On redécouvre les sources foisonnantes qui ont alimenté le travail du père de Gai Luron et autres Pervers pépère, allant de la littérature française aux comics américains, forgeant l’acuité de son regard, aussi passionnément français que critique rigolard de la franchouillardise, la sienne comme la nôtre.
Bref, voilà là une belle leçon sur l’histoire de Gotlib, sur ses histoires réexposées de long en large – plus de 150 planches originales ! – et on en ressortira avec le sourire, avec l’impression d’avoir revu le fil passé de sa vie. Marcel Gotlieb écrivait voilà vingt ans une autobiographie réussie, « J’existe, je me suis rencontré ». L’exposition du MAHJ offre, sans le moindre doute, une jolie opportunité de renouveler une divine rencontre.
À noter, également, un beau hors-série sorti en commun par Pilote (propriété de Dargaud) et Fluide Glacial. Très bonne surprise, l’opus de 120 pages se révèle bien conçu, dense, exposant les résonances personnelles des histoires du Maître, ses relations à ses compères d’aventure comme Goscinny, Mandryka, Alexis et Jacques Diamant, Lindingre, Leandri et tant d’autres…
Les mondes de Gotlib, du 12 mars au 27 juillet 2014
Musée d’art et d’histoire du Judaïsme
Hôtel de Saint-Aignan, 71 rue du Temple, 75003 Paris
Hors-série Gotlib Numéro spécial collector, février 2014, PiloteFluide glacial, 7,90€
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