Parution : 11/2012
Les Sutradhārs sont une lignée de conteurs hindous. Ceux-ci se transmettent de génération en génération des choses que nos ancêtres ont voulu sauver de l’oubli. Ils nous transmettent leurs sagesses et nous livrent même le moyen de reconnaître une histoire d’or d’une fanfaronnade. Cette sagesse livrée de préférence à la tombée de la nuit, pour que chacun puisse voir la lumière poindre en l’Homme, effraie autant qu’elle rassure. Elle n’épargne personne. Elle est le témoignage d’une époque révolue, de l’époque du démarrage d’un espace temps comme il en existe beaucoup d’autres. Le serpent infinie Anant est l’axe de révolution universel autour duquel s’enroule la fin d’un monde et la naissance d’un suivant. En son sein, comme au sein de la multitude des ramifications des mondes, Vishnu dort. De son nombril pousse un lotus parfait. De son éclosion apparaît Brahma, ascète aux trois visages qui va créer la vie et ouvrir la porte à l’âge d’or : Krita Yug. L’histoire du Sutradhār raconte l’histoire des dieux et des hommes, leur conflits, leurs amours et leurs guerres.
Amruta Patil, jeune auteur indienne et seule voix féminine du genre dans son pays, se lance dans le pari fou d’adapter le Mahābhārata, épopée sanskrite fondatrice de l’Hindouisme avec le Rāmāyana et qui, fort de ses 18 livres, est un des plus grands poèmes jamais composés. Parva, littéralement Nœuds – comme les nœuds qui jalonnent 3000 ans de l’histoire indienne – se structure en chapitres autour de chacun d’entre eux. Les passages où le lecteur écoute le Sutradhār comme les villageois se démarque par un travail au fusain plutôt sombre pour évoquer l’obscurité. Le récit en lui-même frappe par ses couleurs vives. Le travail de la peinture et du collage donne un aspect tout à fait particulier à l’œuvre. Un pari réussi pour Amruta Patil qui rend plus accessible une partie de cette pièce majeure de la littérature indienne, qui historiquement a pu être interprétée comme un contrepoint à l’émergence du bouddhisme.
Un récit cosmogonique subtil et prenant où les femmes, à l’instar de l’auteur de Parva, ont une position égale à celle de l’homme, voire même plus enviable et courageuse.
Alain Lamourette
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