« Ô Amis, de retrouver vos harmonieux visages, nos cœurs rissolent dans une friture d’allégresse! Sans vous, ces vacances scolaires nous ont semblé durer des années!
– On se retrouve à notre repaire après l’école? Comme au bon vieux temps!
– Aaah! Notre terrain! Il me tarde de le revoir! »
Attention, série-événement ! Ce n’est à rien d’autre qu’à un monument de la BD franco-belge que s’est attaqué le duo Zidrou-Krings. En reprenant le deuxième bébé de Roba, les auteurs ont concrétisé un rêve d’enfance. Nerveux face aux attentes des lecteurs mais confiants en leur enthousiasme et leur travail, ils voient leur attente récompensée. Alors que le premier album – le septième de la série – sortira le 29 avril, nous avons posé quelques questions à un dessinateur qu’on admire particulièrement et qui ne manque pas de projets à venir.
Retrouvez des croquis et des extraits de La Ribambelle et Quanta en fin d’interview.
Bulle d’Encre : Bonjour ! La Ribambelle, c’est pour toi plusieurs années d’attente, de recherches et de négociations. Que ressens-tu à l’aboutissement de ce projet ?
Jean-Marc Krings : Une très grande joie mais aussi de l’angoisse… J’ai un trac fou ! Cet album est sans doute l’un des plus importants de ma carrière… la pression est grande.
BDE : Le premier album de la série est paru en 1965, ton année de naissance. Crois-tu que c’était un signe ?
JMK : Ah ! Qui sait ? (rires)
BDE : Quels éléments t’attiraient le plus sur ce titre et quels personnages ont été les plus sympa à dessiner ?
JMK : Ce qui m’attirait le plus sur La Ribambelle, c’est son univers… mon univers de gosse, en fait ! J’ai lu ces albums étant petit et, en dessinant ce 7ème épisode, je n’avais pas l’impression de travailler mais plutôt d’avoir rejoint mes copains sur une plaine de jeux… sur un terrain vague ! Quand j’étais gosse, j’allais jouer avec mes copains sur de vieux terrains vagues, des chantiers en construction à l’abandon… cet album m’a fait revivre tout ça ! Je me suis senti chez moi et je m’y suis beaucoup amusé !
Ce qui fut le plus sympa à dessiner ? Ben… TOUT !
BDE : Était-ce facile d’obtenir l’accord pour la reprise de cette série ?
JMK : Oui. Philippe Ostermann, mon éditeur chez Dargaud, a dit oui tout de suite. Et Luce Roba était très enthousiaste… Je les en remercie encore, d’ailleurs.
BDE : D’une manière générale, que penses-tu de ces séries classiques reprises par de nouveaux auteurs ? Peut-on garder l’ambiance d’une époque sans nuire à son intérêt ?
JMK : Oui, je crois que tout dépend de l’état d’esprit avec lequel on aborde une reprise… même une reprise prestigieuse. Mon approche personnelle, dans le cas de La Ribambelle, est de ne surtout pas chercher à être Roba ; c’est inutile et prétentieux ! Il ne peut y avoir qu’un seul Roba ! J’avais plutôt le souci de respecter son univers et d’y apporter, humblement, ma petite contribution. Avec Zidrou, nous voulons avant tout continuer les aventures de la Ribambelle et ne pas bêtement faire du copier/coller… donc : innover ! Et puis on avait envie de s’amuser, comme des gosses avec un nouveau jouet. On a foncé sans trop nous poser de questions… comme deux gamins inconscients ! (rires)
BDE : Beaucoup vont comparer ton travail à celui de Roba. Te connaissant un peu, je suis certain que ça t’angoisse. Cette pensée t’a-t-elle poussé au maximum de tes capacités ?
JMK : Oh oui ! Bien que nous ayons fait cet album sans prétention et pour nous amuser, j’ai tout de même très peur de décevoir le public… Du coup, je me suis particulièrement appliqué sur cet album. La preuve : j’ai mis deux fois plus de temps pour le dessiner que tous mes albums précédents : 14 mois de boulot… tout de même !
BDE : Et c’est impressionnant, car ton trait est l’un des plus fidèles aux grands maîtres belges de la BD. As-tu du faire des modifications pour coller à celui de Roba ou voulais-tu garder une touche personnelle ?
JMK : Je n’ai pas réellement apporté de changement à mon graphisme ; j’ai surtout cherché à être meilleur qu’avant, à m’améliorer… Cet album était un sacré défi, ça m’a obligé à travailler beaucoup et à chercher à me dépasser. J’espère y être arrivé…
BDE : La Ribambelle était-elle la série que tu souhaitais absolument reprendre ou aurais-tu pu travailler sur une autre série de l’âge d’or ?
JMK : Comme ce ne sont pas les éditions Dargaud qui ont fait la démarche pour la reprise de La Ribambelle, mais bien nous, si il fallait faire une autre reprise après Violine, c’était celle-là ! Zidrou et moi sommes amoureux de cette série depuis notre enfance… On voulait absolument continuer à s’amuser avec La Ribambelle. Il n’y a eu que 6 épisodes dessinés par Roba, tout est encore à faire ; il y a une multitude de possibilités avec une série aussi riche ! C’est pour cela que nous sommes allés trouver Philippe Ostermann avec l’accord de Luce Roba. Nous étions tellement enthousiastes que Philippe a été contaminé à son tour et nous a soutenus tout au long de la réalisation de cet album.
BDE : Ton expérience sur Violine – où tu avais là aussi succédé à un autre dessinateur – t’a-t-elle servi ?
JMK : Oui et non. C’est très différent dans le cas de La Ribambelle ; ce sont deux univers totalement étrangers, l’approche est donc différente aussi.
BDE : Comment Zidrou et toi avez travaillé ? Avez-vous mis longtemps à mettre sur pied une nouvelle aventure de la petite bande ?
JMK : Non, Zidrou est très inspiré par la série et c’est un scénariste de très grand talent : les idées lui sont venues très vite… Même si, de son coté, il est conscient que passer après Vicq, Delporte et Tillieux représente un sacré défi aussi ! Mais je n’ai jamais douté de lui. C’est un ami et un grand scénariste, je lui ai toujours fait confiance et j’ai illustré ces textes au mieux de mes possibilités.
BDE : Y avait-il un « cahier des charges » à respecter ?
JMK : Oui. Philippe Ostermann nous a demandé de « replanter » le décor pour ce nouvel épisode, et Zidrou et moi étions tout à fait d’accord. Pour le grand retour de la Ribambelle, il était indispensable de retrouver le terrain vague, le fameux bus et surtout… les Caïmans !
BDE : L’éditeur semble vous faire confiance puisqu’il vous a permis d’entamer tout de suite un tome 2 (ou plutôt 8), même si cela devait pourtant être un album-test au départ. Qu’est-ce qui selon toi a convaincu Dargaud avant même la sortie ?
JMK : Notre enthousiasme, encore une fois ! (rires) Et le travail acharné et la grande motivation que nous avons ont fini de convaincre les éditions Dargaud d’entamer ce tome 2 – La Ribambelle au Japon – avec nous !
BDE : Outre La Ribambelle, un autre projet très excitant t’attend, puisque tu vas réaliser ta première série en solo. Peux-tu nous en parler ?
JMK : AAAAAH ! Ça…c’est THE projet ! Il s’agit de ma série, du pur jus 100% Krings ! Cette série se nome Quanta. Je suis seul au dessin et au scénario mais j’ai tout de même un bon coup de main de mon ami Lapuss’ (scénariste du Piou chez Dupuis) pour les dialogues. C’est une série semi-réaliste de genre thriller/fantastique destinée à un public nettement plus adulte que celui de La Ribambelle. Pour la situer, c’est un récit dans le style de ce que l’on a pu voir dans ces séries télé telles que Lost, Flash Forward ou Fringe.
Quanta est une série qui va à 100 à l’heure ! Action, scènes spectaculaires, grands décors, etc., une BD grand spectacle ! Sur cette série, je me suis déchaîné ; je suis sorti de tous les schémas auxquels je vous ai habitués jusqu’à présent : rien à voir avec La Ribambelle, nous sommes là à des années lumières de cet univers.
BDE : Est-ce que cela faisait longtemps que tu rêvais d’écrire ton propre scénario ?
JMK : Oh oui ! J’ai plein d’idées en tête et je suis heureux de pouvoir enfin les réaliser. Et je suis vraiment impatient de pouvoir bosser à temps plein sur Quanta… même si je suis très attaché à La Ribambelle. Si cette série voit enfin le jour, c’est grâce à un éditeur qui a vraiment cru en moi : Daniel Bultreys. C’est lui, le premier, qui s’est intéressé à autre chose qu’a mes possibilités de « repreneur de série ». Ex-directeur de la collection Repérages chez Dupuis, il a tout de suite montré beaucoup d’intérêt à mon travail et a eu l’incroyable patience d’attendre que je finisse ce premier épisode de La Ribambelle pour finaliser le projet Quanta. Le 19 janvier dernier, j’ai eu l’immense joie d’apprendre de la bouche de Daniel que les éditions Glénat avaient tout de suite accepté Quanta.
J’ai déjà commencé à travaillé sur cette série parallèlement au tome 2 de La Ribambelle. Il est prévu de faire 4 épisodes minimum de la série… Encore un peu de patience, vous verrez cela bientôt, promis !
BDE : Vois-tu cette série d’aventure totalement personnelle comme une nouvelle voie qui va te permettre de montrer une autre facette de ton talent ?
JMK : Tout à fait ! Sur Quanta, je vais enfin pouvoir être moi-même à 100% ! Et j’espère que les lecteurs me suivront.
BDE : Où en est ton projet de one-shot sur Spirou ?
JMK : Toujours à l’état de projet… Mais Benoit Fripiat (Directeur de collection chez Dupuis) a montré de l’intérêt pour les premières ébauches de ce projet. Nous verrons bien si cela ira plus loin ?!
Tout ce que je peux en dire actuellement, c’est que là aussi nous sommes à mille lieux de l’univers « classique » de La Ribambelle. Avec mon ami Lapuss’, nous avons co-écrit un scénario très particulier, semi-réaliste : un thriller surnaturel portant le titre de Mortels… Si les éditions Dupuis y montrent de l’intérêt, nous aurons l’occasion d’en reparler.
BDE : Alors que Violine s’était terminée de façon un peu rude, tu sembles avoir le vent en poupe avec plusieurs projets. Arrives-tu à savourer ces réussites ou te remets-tu toujours en question ?
JMK : Je me remets tout le temps en question ! Ma plus grande crainte est de rester stationnaire, de ne plus progresser, de ne plus avoir l’opportunité de relever des défis ou de me mettre en danger ! C’est ça qui est exaltant avec ce métier : on n’arrive jamais au bout, il y a toujours quelques chose à faire pour s’améliorer.
BDE : Merci et bonne chance pour tous tes projets !
JMK : Merci à toi !
Propos recueillis par Arnaud Gueury.
Interview réalisée le 12 avril 2011.
© Krings et Zidrou d’après Roba/Studio Boule & Bill 2011 pour La Ribambelle
© Éditions Glénat/Krings pour Quanta
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Interview très agréable à lire !