Pour la sortie du troisième tome de la série Les Portes de Shamballah aux éditions Clair de Lune, nous avons souhaité poser quelques questions au talentueux dessinateur et co-scénariste des albums, Pierre Taranzano, afin de mieux vous faire connaître cette série passionnante, où se mêlent suspense, action et magie !
Chronique du Tome 3
Retrouvez les premières pages de l’album en fin d’interview.
Bulle d’Encre : Bonjour ! Afin de mieux vous connaître, pouvez-vous nous dire d’où vous vient cette passion pour la BD ?
Pierre Taranzano : Selon la formule consacrée, on peut dire que je suis tombé dedans quand j’étais petit. Du coup, c’est difficile de situer l’origine d’une passion qui remonte à la petite enfance ! Ce que je sais, c’est que j’en ai toujours fait, mes premières BD étaient sans bulles parce que je ne savais pas encore écrire. Je crois que la BD me permettait (et me permet toujours) de concilier mon goût pour le dessin et celui pour les « histoires ».
BDE : Vers quelle période avez-vous pris conscience que c’était dans l’univers du 9ème art que vous vouliez travaillez ?
PT : Là non plus, ce n’est pas évident de répondre ; c’est quelque chose qui a toujours été présent, ça a probablement été une de mes premières envies professionnelles, mais bien d’autres idées m’ont traversé l’esprit, comme chez tous les enfants : écrivain, journaliste, avocat (!?), etc. Sans doute aussi cosmonaute, je ne sais plus ! Plus tard, j’ai été attiré par d’autres domaines en rapport avec le dessin : la peinture, l’illustration, le décor, le story-board. Mon orientation définitive vers la BD est finalement assez récente ; même si je n’abandonne pas les autres voies, j’ai décidé clairement de donner la priorité au neuvième art, qui est pour moi le moyen d’expression le plus complet et celui qui me correspond le mieux.
BDE : Quel est votre parcours artistique ?
PT : J’ai passé un bac Arts appliqués, tenté une première année en Histoire de l’Art (où j’ai surtout approfondi le billard), fait toutes sortes de petits boulots pas vraiment artistiques, de la peinture, quelques expos, créé une galerie d’art, participé à des collectifs, de la BD en Fanzine, du décor de spectacle pour le Club Med puis pour des spectacles Sons et Lumières, du story-board pour le dessin animé, et puis je me suis dit qu’il fallait vraiment que je me mette à la BD sérieusement… Et j’ai commencé à travailler sur Shamballah !
BDE : Comment s’est créée cette collaboration avec les autres auteurs de la série, Axel Mazuer et Cyril Romano ?
PT : J’avais donc l’envie de créer une série et j’avais le sujet : je voulais parler de la face cachée de l’Histoire au travers des sociétés secrètes, de leur influence sur le cours des événements. Mais je ne savais pas par quel bout le prendre, j’avais mille points de départ possibles. J’avais rencontré depuis peu Axel et Cyril, qui avaient les mêmes centres d’intérêts : le paranormal, l’ésotérisme, l’ufologie, ce genre de trucs. On a donc naturellement décidé de travailler ensemble.
BDE : Comment est née cette série et plus particulièrement le personnage principal, Mackenzie ?
PT : On est parti d’un début d’histoire qu’Axel avait en tête depuis un moment, un projet de nouvelle, court-métrage ou autre : deux hommes font connaissance au cours d’un voyage en train ; l’un d’eux, plus âgé, est visiblement traqué, il sait qu’il lui reste peu de temps à vivre. Il commence alors à dévoiler à son interlocuteur, d’abord sceptique, les lourds secrets qu’il a découvert au cours de son existence ; il y est bien sûr question de complots et de loges occultes ; ça nous a donné le point de départ qui me manquait. Comme je venais de lire Le Matin des Magiciens de Pauwels et Bergier, j’avais encore en tête les images brumeuses de la Golden Dawn Londonienne, l’atmosphère Victorienne, l’ésotérisme sulfureux des Nazis et l’évocation des « Supérieurs Inconnus ». Le cadre était posé pour le premier album ; toute la trame de la série a été conçue pour relier des époques, événements, sociétés secrètes dont nous voulions parler ; on suit notamment des individus emblématiques de notre sujet comme Crowley ou Trébitsch Lincoln.
Pour les personnages, il nous fallait un archéologue pour évoquer les civilisations disparues et un agent secret britannique, qui nous paraissait le mieux placé pour infiltrer des cercles ésotériques. Son nom est directement inspiré de celui de Malcolm Mac Dowell. Il nous fallait un Ecossais parce qu’on en trouvait beaucoup dans ces milieux ésotériques (Crowley, Mathers…), donc un rouquin de par le fait ! Il nous fallait le typer par rapport à son époque et, plutôt que des moustaches, on lui a collé des rouflaquettes très en vogue vers 1900 (et encore prisées des Ecossais) ; ça lui a donné un petit côté Wolverine qui n’était pas pour nous déplaire. Ses caractéristiques physiques et psychologiques sont apparues peu à peu, assez naturellement, assez loin de ce qu’on imaginait au tout début.
BDE : Quelles sont vos influences artistiques, si vous en avez, pour arriver à autant provoquer une atmosphère cinématographique dans le scénario mais également dans le dynamisme des dessins ?
PT : Les influences sont tellement nombreuses que ce serait difficile de tout citer, ça va de Jules Verne à Matrix… Pour ce qui est du scénario, les maîtres qui ont formé ma conception de la BD sont Charlier, Van Hamme et Greg. Je m’inspire aussi des Mangas pour ce qui est de la narration, en particulier dans les scènes d’action où les Japonais sont des experts au niveau cadrage, découpage, dynamisme. Quand Akira a débarqué en France, quelle claque ! J’apprécie beaucoup les Comics pour le dynamisme dans la composition des planches, l’encrage appuyé et aussi certaines techniques de narration. Dans ce domaine, mes maîtres sont Frank Miller, Mike Mignola et Alan Moore. Actuellement, je suis aussi un inconditionnel de ce que font Dorison, Lauffray ou Alice, par exemple. Le cinéma a aussi une grande importance ; depuis longtemps, quand je regarde un film et que j’apprécie particulièrement une séquence, je me demande comment je pourrais rendre une sensation équivalente en BD.
BDE : Les Portes de Shamballah vont devenir une série en combien de tomes ?
PT : Il y a 4 tomes prévus pour le premier cycle, on n’est donc pas loin de la conclusion… Mais on a dès le départ conçu une trame qui court sur tout le vingtième siècle et jusqu’à notre époque, donc au moins quatre cycles… Je ne sais pas si on fera tout ce qu’on a prévu… peut-être en romans !
BDE : Faut-il s’attendre à une continuité dans l’action, le suspense ?
PT : Dans le tome 4, on boucle la boucle, toutes les pistes qu’on a lancées, toutes les questions qu’on a posées trouveront leur conclusion, même si des portes resteront ouvertes pour les éventuels prochains cycles. Beaucoup de révélations mais aussi de l’action comme toujours, du suspense je l’espère, du fantastique, quelques scènes-choc… L’action se passera principalement en Chine.
BDE : Le tome 4 est-il en cours ?
PT : Le scénario est écrit « grosso modo », il faut maintenant que je fasse un story-board. Et je suis en train de lire Le Dragon blessé, les souvenirs de voyages d’un Français en Chine dans les années 30, pour me mettre dans l’ambiance.
BDE : Avez-vous d’autres projets ?
PT : Je travaille actuellement sur l’adaptation BD du roman de Bernard Werber, Les Thanatonautes, avec Corbeyran au scénario. Le premier tome devrait paraître à la rentrée 2011 chez Drugstore. Nous travaillons aussi avec mes collègues Mazuer et Romano sur le scénario du 4ème cycle de Shamballah, qui se passera dans les années 2000 et qui s’appellera Novus Ordo. Comme il n’y a pas de continuité directe entre ce cycle et les autres, rien n’empêche de le lancer dès maintenant, avec un autre dessinateur (avis aux amateurs !). J’ai aussi plein d’autres projets de scénarios, notamment en collaboration avec Thierry Lamy.
BDE : Merci à vous !
PT : Merci à Bulle d’Encre de me donner la parole !
Propos recueillis par Laurence Dhô.
Interview réalisée le 12 novembre 2010.
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