Rencontre avec Jef – Dessinateur de Une balle dans la tête

« Comment lui expliquer? Comment lui énoncer clairement ce qui provient du plus obscur des continents? Comment exprimer la chose sans passer pour un dément? Dara, je sais que c’est toi qui as tiré car je possède un pouvoir occulte. J’ai fait appel à des forces anciennes et j’ai vu la scène. J’ai vu la balle entrer dans la tête de Nick… »

Cette semaine, nous vous invitons à mieux connaître le dessinateur d’un diptyque qui nous a réellement impressionnés. Âpre, sombre et teinté de fantastique, il nous a permis de redécouvrir un auteur doué, qui ne manque heureusement pas de projets, comme il nous le rappelle lui-même. La parole à Jef !

Chronique du Tome 2

Retrouvez les premières pages du Tome 1 en fin d’interview.

Bulle d’Encre : Bonjour ! Le diptyque réalisé avec Corbeyran a déjà touché à sa fin. Quel bilan tires-tu de ces albums et de cette collaboration qui t’ont emmené loin de tes autres œuvres ?

Jef :
Salut ! Cet album m’a permis de rencontrer mister Éric Corbeyran et Emmanuel Proust. Si je n’avais pas fais Une balle, je n’aurais jamais vu des avant-bras aussi poilus que ceux d’Éric ! Une balle me permet maintenant de retravailler avec lui, et de commencer à faire ma place dans ce métier.

BDE : Le projet vient de ton initiative. Quel a été le cheminement de ton idée et comment en es-tu venu au look si particulier d’Angus ?
J :
Au départ, j’avais dessiné Angus comme un personnage médiéval, sa coupe était beaucoup plus folle et ses moustaches encore plus longues. Et puis un jour je l’ai dessiné avec un costard moderne, et l’idée est venue d’en faire un Irlandais mystérieux et mystique !

BDE : L’histoire irlandaise récente t’était-elle familière ?
J :
C’est un contexte politique qui m’a toujours intéressé. Les Irlandais savent défendre leur cause. Ils le font de manière violente, certes, mais les révolutions ne se font pas en tendant l’autre joue.

BDE : Pourquoi avoir contacté Corbeyran, ne te voyais-tu pas écrire toi-même le scénario ? Et qu’a-t-il amené à l’histoire ?
J :
Il fallait que je trouve un scénariste pour me réintroduire dans le milieu. Après une série chez Albin Michel qui n’a pas marché, je n’ai plus retrouvé de boulot, j’ai fait autre chose, des pseudo court-métrages, des mauvais clips de rap, des grands voyages, etc. Éric, lorsque je lui ai envoyé le personnage et des détails de l’histoire, a été tout de suite emballé. Il a amené les autres personnages et tout un rythme ponctué de flash-backs qui te plongent dans une ambiance particulière.

BDE : L’ajout de chamanisme à un polar pur et dur était-elle ton idée ?
J :
Au départ, Éric voulais mettre du celtique, du fantastique. Je l’ai transformé en chamanisme. Les Irlandais sont extrêmement spirituels, et l’Irlande est un pays empreint de légendes et d’histoire fantastique.

BDE : On t’avait connu dans un registre fantastique, que préfères-tu finalement comme univers ?
J :
Aucun, j’aime tous les univers.

BDE : As-tu eu besoin de documentation sur l’Irlande des années 70 ou as-tu aussi fonctionné à l’imagination ?
J :
Oui, beaucoup de doc pour restituer Belfast, Londres ou New Grange. Pour les véhicules aussi. Le reste, c’est l’imagination.

BDE : Une balle dans la tête posséde beaucoup de moments intimistes et peu d’action. Est-ce que ça t’a demandé plus de travail dans l’expressivité des personnages ?
J :
Avec Éric, nous voulions nous concentrer sur les personnages avant tout. Et évidemment sur Angus. J’ai donc surtout essayé de donner une « attitude » à Angus, une façon d’être, une manière de fumer, de s’accouder au bar…

BDE : Sur le second tome, tu as réalisé toi-même les couleurs. Est-ce un choix et est-ce que ça change ta façon de dessiner ?

J :
On a eu quelques soucis au niveau couleur. Sur le tome 1, Nicolas Bournay a eu un accident (il va bien maintenant) et on a du terminé en quatrième vitesse, nuit blanche sur nuit blanche. Pour le tome 2, je m’y suis collé mais je ne suis pas un pro de photoshop. Quoi qu’il en soit, j’aime la couleur, mais la couleur traditionnelle. Il est évident qu’a un moment donné je ne ferais plus que ça et adieu photoshop !

BDE : Toi qui es musicien, pourrais-tu un jour conjuguer ces deux passions ?
J :
Je le fais déjà ! Je suis actuellement en studio avec un groupe que je viens de former. Évidemment je ne fais pas autant de musique que je dessine, car la BD c’est un métier besogneux qui nécessite un travail quotidien pas facile ! La musique, c’est facile, c’est fun ! La BD, C’EST DUR !!!

BDE : Quels sont tes projets à venir ?
J :
La sortie le 9 septembre de 9/11 avec Corbeyran et Bartoll chez 12bis, suivi de Le Roi Lézard, un roman graphique sur les Doors avec Fabrice Bertoccini. Ce sera fin octobre chez Emmanuel Proust. Et le coffret Une balle dans la tête vient de sortir.

BDE : Merci beaucoup, on ne manquera pas ces sorties !
J :
Merci à vous les amis et vous avez tout mon soutien !

Propos recueillis par Arnaud Gueury.

Interview réalisée le 7 juillet 2010.

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