Rencontre avec Fabien Vehlmann – Scénariste de Spirou et Fantasio

« Bondla de bondla !
– Aïe aïe aïe !
– Spirouf !
– Fantasieu…
– Con-tent-de-te-re-voir !
– Oui-oui-voilà-pareil ! »

Et nous aussi on est heureux de les revoir ! Spirou et Fantasio reprendront du service en septembre prochain, avec un Tome 51 qui sera le premier de Yoann et Vehlmann. S’ils sont les repreneurs de la série classique, ils ont déjà publié le premier des one-shots consacrés au célèbre groom. Après avoir rencontré Yoann à Blois (voir son interview) en fin d’année dernière, nous avons eu l’occasion récente de nous entretenir avec Fabien Vehlmann pour l’interroger lui aussi sur sa vision de l’univers de Spirou… Rencontre avec un scénariste talentueux et généreux en paroles !

Chronique du one-shot Tome 1

Bulle d’Encre : Bonjour Fabien et merci d’avoir accepté de nous consacrer un peu de temps. Nous avons déjà rencontré Yoann en novembre, à Blois, et c’est un plaisir pour nous de rencontrer le deuxième repreneur de Spirou ! La mode étant à l’écologie, on aimerait recycler quelques questions que nous avions posées à Yoann, pour voir si tu partages son sentiment…
Fabien Vehlmann : …ou au contraire si on s’oppose sur tous les détails de la série (rires).

BDE : Commençons par parler des one-shots, que vous avez inaugurés avec Yoann. Quel est maintenant ton regard sur cette collection, et a-t-il changé maintenant que vous reprenez la série classique ?

FV : Déjà, au départ, on avait pris ça comme une opportunité assez géniale de pouvoir un peu réouvrir les interprétations sur la série principale. Pour la petite histoire, on avait été contactés pour être les éventuels repreneurs de la série principale à l’époque, et ça ne s’est pas fait pour plein de raisons. Mais au même moment, Dupuis commençait à penser à cette possibilité des one-shots parce que justement, quand on avait débuté les recherches de dessinateurs possibles, certains avaient dit : « faire un album, pourquoi pas, mais toute la série non car j’ai d’autres obligations et je n’ai pas envie de passer ma vie sur Spirou comme Franquin a pu le faire ».
Ensuite, lorsqu’il s’est avéré que les repreneurs officiels seraient Morvan et Munuera, Dupuis nous a quand même proposés de faire le premier one-shot en nous demandant de faire quelque chose de personnel, à nous, de livrer notre propre lecture du personnage, et ça me paraissait assez pertinent de faire ça pour justement permettre de mettre un peu de sang frais dans une série qui, sans cela, risquait peut-être de se figer dans une seule version des choses. Donc ça a été un espace de liberté assez génial, dans lequel on s’est beaucoup amusés Yoann et moi, et le fait de voir par la suite d’autres one-shots, avec des approches totalement différentes et un véritable travail d’auteur à chaque fois, reste assez jubilatoire. En temps que lecteur, j’attends les prochains one-shots avec impatience. J’aime ou je n’aime pas le résultat, mais j’aime beaucoup le parti-pris, assez radical, qui se dégage de chaque.
Alors c’est vrai que depuis qu’on est repreneurs officiels, ça ne change pas cette vision là, mais pour nous l’entreprise est différente. On récupère un costume assez classique, qu’on essaye de moderniser parce que pour nous le principe de la reprise est de garder un continuum temporel, qui fait que le personnage est toujours contemporain de ses lecteurs. A l’époque de Franquin, il était contemporain des années 60, alors qu’il avait été créé en 1938. A l’époque de Fournier, c’était un Spirou des années 70, etc. Dans ce sens là, nous avons été très clairs dès le début vis-à-vis de Dupuis, on reprendrait la série avec un Spirou des années 2010, de son temps, ce qui n’est pas forcément le cas des one-shots, dans lesquels tout est possible.
Donc en fait, pour nous, ce sont deux choses qui sont parallèles, et a priori complémentaires, mais je sais qu’en tout cas je ne ferai plus de one-shot maintenant que je suis repreneur pour que les choses soient quand même assez claires. Il faut éviter toute confusion mais je continue à penser que c’est complémentaire. Les one-shots permettent d’enrichir toutes les versions du personnage et à côté de ça la série officielle rend le héros contemporain et essaie de l’adapter le plus possible à son temps, à son époque. Du coup, la façon de raconter les histoires sera peut-être un peu imprégnée de modes de narration qui seront, je ne dirais pas franchement manga, mais avec certains codes du manga, certains codes du comics, de manière très ténue, le but n’étant pas de faire d’un seul coup un Spirou manga ou comics. Ce n’est pas le but, d’autant que le dessin de Yoann sera relativement classique par rapport à notre one-shot.
Pour faire une autre comparaison, sur les one-shots on a pu se permettre un dessin assez radical, dans la lignée d’un Hewlett avec son Tank Girl ou ce qu’il a fait avec Gorillaz, alors qu’ici Yoann – qui est capable, et c’est quand même assez épatant, d’utiliser un graphisme totalement différent – a fait un Spirou beaucoup plus classique, presque post-franquinien. Mais en même temps, on reconnaît son style, ça reste du Yoann, et je trouve qu’à ce niveau-là il a réussi une sorte de petit miracle.
Sincèrement, je suis vraiment épaté par les pages du Tome 51, et je pense que si on avait dû reprendre la série à l’époque de Morvan et Munuera, on ne se serait pas rendu compte à quel point c’était important de garder cette continuité graphique. On l’aurait fait comme le one-shot, et on aurait certainement traumatisé plein de lecteurs de la série.

BDE : On l’a vu avec Morvan et Munuera qui ont tenté d’instaurer quelques changements…

FV : C’est ça, et c’est pas super bien passé. Il y a tout de suite eu ce que je vais appeler une espèce de front conservateur, sans vouloir être péjoratif, de lecteurs de Spirou qui veulent quand même ne pas trop perdre leurs repères. Pour eux, il faut que la série ressemble un peu à ce qu’elle a été. Morvan et Munuera se sont vus reprocher leur approche, et je pense qu’on aurait fait la même chose en proposant le Spirou du one-shot, sans doute trop radicalement différent pour les lecteurs, mais pas si différent pour nous.

BDE : On peut presque dire que l’échec de Morvan et Munuera vous a servi, finalement…
FV : Exactement, et ce n’est pas tant le fait qu’ils se soient plantés, c’est le fait qu’on a eu plus de temps pour y réfléchir. On va dire ça comme ça parce que ça m’a quand même bien navré pour eux, qui sont des amis, d’autant que leur reprise s’est faite dans des conditions vraiment pas évidentes. Ça aurait été dur pour n’importe qui, car il a fallu agir dans une certaine urgence, avec pas mal de changements de direction chez l’éditeur, et l’accouchement aurait été difficile de toutes manières.
Donc finalement on reprend Spirou maintenant, avec un degré de maturité supplémentaire qui nous permettra d’éviter certaines erreurs. On va faire nos albums gaiement et joyeusement et puis on verra comment ça va se passer.

BDE : Alors justement, deuxième question qu’on avait posée à Yoann, et c’est encore plus intéressant de la poser au scénariste, passer du one-shot à la série classique doit être bien plus contraignant… avec les codes à respecter, les références. Comment appréhendes-tu l’attente des fans, la pression ?
FV : Je suis conscient de cette pression mais j’essaye d’en faire abstraction. Je vais citer un exemple qui va être très décalé : je me rappelle d’une interview que j’avais écoutée d’Eric et Ramzy, qui avaient un budget colossal pour un film énorme, avec plein d’effets spéciaux, alors qu’ils faisaient quand même le plus souvent des gags de base, très drôles d’ailleurs. Et d’un seul coup, ils avaient ce projet avec des millions, et on leur avait demandé comment ils géraient ça. Ils avaient alors répondu « on s’en fout, on s’amuse », et je trouvais ça un peu gonflé à l’époque parce que la pression était quand même assez énorme.
Et, même si je ne vais pas faire du Eric et Ramzy sur Spirou, je tiens à le préciser, je conçois mieux maintenant ce qu’ils voulaient dire. A un moment donné, si on est trop conscient de cette pression, on ne bouge plus. Si je dois contenter, disons le front des fans hardcore, on va dire 50 000 fans, ceux qui aiment vraiment bien la série, cumulons à 100 000… je ne m’en sors plus…

BDE : Tous ceux qui ont une connaissance encyclopédique de Spirou…
FV : Voilà, ceux-là, et moi je ne veux pas d’une approche encyclopédique parce qu’elle va sentir la naphtaline. Avec Yoann, on a choisi d’apporter d’autres connaissances de l’univers et, de ce point de vue là, la connaissance de Yoann est plus encyclopédique que la mienne.

BDE : Il nous avait confié que vous étiez tous les deux de fervents lecteurs de Spirou…

FV : J’aime bien la série mais je pense que Yoann la connait encore mieux que moi, il a une connaissance un peu plus fine, et il saura resituer tel personnage dans tel album. Moi c’est davantage une connaissance émotionnelle, ce sont des ambiances qui m’ont plu. Et j’ai surtout envie de rendre hommage à l’univers qu’a posé Franquin après Jijé et RobVel, un univers qui pour moi a été déterminant dans la réussite de la série. C’est ce Spirou là, et même tout ce qui est périphérique à Franquin, je pense par exemple aux Idées Noires, à ce qui se passe dans la rédaction de Spirou quand on y voit Gaston, etc., qui a baigné mon enfance. C’est à ça que j’avais envie de rendre hommage, mais un hommage j’espère pas trop compassé. Il ne s’agit pas de faire un grand discours comme, on va dire, un élu angoumoisin en début d’une cérémonie de remise des prix (rires), mais de donner une vision de Spirou que les gens aimeront ou pas, mais qu’on aura fait avec beaucoup de plaisir.
J’espère que ce plaisir sera transféré au lecteur, et si on fait ce qu’on pense être le mieux pour la série, eh bien on arrêtera au bout de deux-trois albums si les gens n’aiment pas. Ce ne sera pas la fin du monde. Je le prends finalement de manière assez simple.
Par contre, la seule règle de survie absolue, c’est de ne pas fréquenter les forums internet, parce que là on se fait lapider la tête. Avant même de commencer l’album, on est mort. J’ai quand même eu une super critique, un type qui disait : « de toute façon, j’ai détesté le one-shot parce que Vehlmann dessine trop mal » (rires) ! Légère confusion entre le dessinateur et le scénariste, qui laisse entendre qu’il n’a pas forcément une connaissance très nette de notre travail. Et puis surtout, ce qui me fait rire là-dedans, c’est que le dessin de Yoann est superbe, la question est juste de savoir si c’est comme ça qu’on voit Spirou ou pas, ce n’est pas une question de qualité. Cette question s’est aussi posée avec le dessin de Munuera, qui est un excellent dessinateur donc on ne peut pas commencer par dire qu’il dessine mal. C’est « est-ce que son dessin correspond à l’image que je me fais du personnage ? », mais après il n’y a pas de réponse à ça.

BDE : Encore que pour la période Morvan et Munuera, c’est surtout le scénario qui a été critiqué…
FV : Peut-être. En fait, je reconnais que je ne me suis pas intéressé dans le détail à ce qui fait qu’il y a eu rejet du public.

BDE : Leur travail a beaucoup fait parler sur les forums que vous évoquiez, justement, les auteurs y étant présents…
FV : Oui, voilà. Là encore, ça peut être super les forums mais, malheureusement, parfois ça vire un peu à une réunion de hyènes autour d’une charogne. C’est à qui dira la plus belle saloperie, et d’ailleurs ça peut être très jubilatoire, j’imagine, de dire une vraie bonne saloperie sur un truc (rires). Mais à lire quand on est auteur, on a l’impression d’être au milieu d’une horde de zombies, je dirais même de trolls, pour reprendre une terminologie de forums. Personnellement ça ne m’apportera pas grand-chose de lire que des gens détestent mon boulot, je le sais et je ne cherche pas à plaire à tout le monde. Je sais aussi que certains aiment, et j’ai autre chose à faire que lire dans le détail les arguments de ceux qui n’aiment pas. Tout le monde a le droit de dire ce qu’il pense, et pour ça internet c’est génial, mais j’ai aussi le droit de ne pas aller le lire. C’est ma façon de me protéger de la pression, qui est bien présente car bien entendu on a envie que ça se passe bien, que Dupuis soit content et que les lecteurs trouvent que c’est une chouette reprise. Mais j’aurais tendance à penser que pour vraiment se rendre compte de la qualité de ce qu’on va faire, il faudra juger sur les trois albums, si on arrive à faire les trois, parce qu’il faut le temps de poser les bases de notre vision de l’univers, et de le développer ensuite en faisant en sorte qu’il y ait une continuité entre les albums, même si chacun est indépendant.

BDE : Effectivement, il y a un temps d’adaptation. Janry nous confiait l’an dernier qu’il ne s’était senti maître de la série qu’au bout du 5ème album…

FV : C’est ça. Après, l’élément qui va jouer pour nous est celui des ventes. Si elles ne suivent pas, ce sera à l’éditeur de dire s’il aime bien la reprise, et s’il continue à nous faire confiance ou pas. Au contraire, si les ventes remontent, tout le monde sera content car de toutes manières il faut rétablir la barre. Le seul problème serait que les critiques soient très mauvaises pendant que les ventes remontent. Ce qu’on espère, c’est une espèce d’alchimie, c’est toujours facile à dire avant, et là encore je ne me fais pas de nœud à la tête, on y arrivera ou on y arrivera pas, ça ne fera pleurer personne. Ce n’est pas une affaire d’Etat (rires).

BDE : Yoann nous avait dit la même chose, et il nous avait aussi révélé qu’il était souvent en contact avec Janry… est-ce que toi aussi tu discutes avec les anciens scénaristes de la série, Tome, Fournier ou Morvan ?
FV : A l’époque de la première tentative de reprise, j’avais pris contact avec Janry parce que Tome était plus difficile à joindre, et j’avais pas mal discuté de ça avec lui, à Bruxelles notamment. J’ai aimé l’apport de Fournier, surtout la conscience écologique qu’il a apportée et que je trouvais assez juste, dans la continuité de la logique de Franquin… Bon, Franquin on ne pouvait plus le joindre, c’était un peu trop tard, Greg aussi, et on va dire que les deux grands moments qui ont compté pour mon univers de Spirou personnel, en caricaturant puisque tous les auteurs m’ont apporté un petit quelque chose, sont les période Franquin et Tome & Janry. Le plus simple pour moi était donc de contacter Janry pour essayer de voir quelles difficultés ils avaient eues, les questions qu’ils s’étaient posées et les réponses qu’ils avaient apportées, en sachant que ce que j’aime beaucoup chez eux c’est leur sens de la dynamique, de l’aventure. Ils ont apporté un côté très Indiana Jones à Spirou dans les années 80-90, avec une force incroyable. Quand j’ai découvert Virus dans les pages du magazine Spirou, ça a été un choc d’adolescent.

BDE : C’était leur premier en plus…
FV : C’était leur premier oui, donc c’était quand même un coup de maître. Ils ont tout de suite mis la barre assez haut. J’avais trouvé ça super et je voulais parler de ça à Janry qui en plus est quelqu’un que j’apprécie beaucoup, donc ça a été une chouette rencontre. Je ne dis pas que ça a duré très longtemps, Yoann le voit plus que moi, mais c’est quelqu’un qui est resté très humble, malgré la qualité de travail qui est la sienne. Pour moi, c’est quand même un des tout meilleurs dessinateurs de cette école franco-belge classique, en particulier dans la qualité des encrages. Je connais très peu de dessinateurs qui ont cette qualité d’encrage, j’appelle ça une qualité de densité. Il donne une densité aux ombres des choses qui donne du poids aux objets, qui donne du poids à ses véhicules, à ses personnages, à la rapidité, et ça se joue dans l’encrage. C’est un truc que Bruno Gazzotti a gardé aussi de cette école-là, mais qui n’est pas si fréquent. Pas grand-monde ne sait le faire, et Janry est pour moi un des maîtres de ça. Et il se débrouille très bien sur Le Petit Spirou mais je reste sur ma faim par rapport au fait qu’il ne fasse plus d’aventures. J’adorerais le voir refaire des BD d’aventure.

BDE : Tu n’es pas le seul ! Sinon, tu es un scénariste assez prolifique… Rien que chez Dupuis il y a eu Green Manor, Jolies ténèbres, il y a Seuls… Est-ce que Spirou, comme pour Yoann, va ralentir tes autres productions ?

FV : La question se pose un peu dans les mêmes termes, mais un peu moins pour moi que pour le dessinateur. Je ne suis pas aussi rapide que ça, je n’ai pas le côté prolifique d’un Sfar, d’un Corbeyran ou d’un Morvan, mais c’est vrai qu’un scénariste, il lui faut à peu près deux mois – c’est le temps que je mets – pour écrire une histoire sans compter la préparation en amont, alors qu’un dessinateur a souvent besoin d’un an minimum. Yoann ne va quasiment pouvoir faire que ça. J’espère qu’il aura le temps de faire d’autres albums personnels comme Toto l’Ornithorynque que j’adore, mais c’est vrai que ça va lui prendre beaucoup de temps, donc son engagement à lui est beaucoup plus important que le mien. Cela dit, dans la mesure où je ne suis pas si rapide que ça – j’arrive à faire trois à quatre albums par an – il a fallu que je fasse des choix. Et le fait d’être sur une série qui revient chaque année m’oblige à lui laisser de la place, d’autant que j’ai envie de faire ça bien. J’ai envie d’accompagner les albums, et par exemple en ce moment on est en train de préparer des bandes-annonces pour la sortie du Tome 51, qui seront sur internet. On veut qu’elles soient des petits courts-métrages rigolos, que les gens puissent se marrer en se disant, « tiens, ils se sont un peu foulés, ils ont fait un truc de qualité », et pas quelque chose de basique. Donc ça demande du travail, c’est vrai, et j’ai un peu levé le pied sur d’autres projets.
Mais, honnêtement, ce qui m’a pris le plus de temps dans ma jeune carrière d’auteur, c’est plus l’audiovisuel. C’est là où j’ai vraiment levé le pied, je ne travaille plus pour la télé et pour l’instant pas pour le cinéma. Je repousse ça à quelques années parce que ça occupe beaucoup, et je n’y retrouve pas la même liberté que dans la BD. Je vais tâcher de garder trois séries régulières, à savoir Spirou et Fantasio, Seuls et Le Marquis d’Anaon. Et le reste, ce sont des one-shots, comme Jolies Ténèbres ou Sept Psychopathes.

BDE : Pour terminer, Yoann nous disait qu’il essayerait de terminer le tome 51 en janvier pour enchaîner de suite sur le 52… A-t-il réussi ?
FV : Il a bien avancé mais, fin janvier, ce n’est pas encore complètement terminé (rires). Ce qui se passe, et il faut justifier un peu ça, c’est qu’on est très chiants avec Yoann, vraiment. On est assez nombreux à lui tomber sur le dos, puisqu’il y a moi, Fred Blanchard avec qui on travaille, qui est un peu le designer de l’ensemble et qui peut avoir des avis critiques car il connaît très bien le boulot de storyboarder – il est même très fort -, il y a aussi Benoît Fripiat, le responsable éditorial, et on a chacun notre vision de ce qui est bon ou pas pour la série. Yoann doit compiler tout ça pour chaque page et j’ai été très exigeant en termes graphiques, d’autant que j’aimais beaucoup la façon de dessiner qu’il avait, où il utilisait beaucoup de hachures, un peu à la manière des Idées noires de Franquin. J’adore ça, et il le fait très très bien, par contre ça lui prend beaucoup de temps à faire. C’est le prix à payer, je pense, pour que l’album soit de qualité, et elle est pour moi incroyable. Quelque part, il a réussi à dépasser ce qu’il a fait pour pas mal de BD à lui, et à faire quelque chose qui peut vraiment durer. Ce fut un peu notre pari avec Dupuis, c’est de se dire « prenons notre temps pour sortir l’album pour pouvoir le relire dans dix ou quinze ans en le trouvant encore bien », plutôt que de le sortir trop vite et de se dire après, « c’est dommage il aurait fallu deux trois mois de plus ». On a préféré jouer cette carte de la qualité à long terme, et j’espère que ce sera payant.

BDE : Eh bien on l’espère aussi ! Merci à toi, Fabien, et bon courage !
FV : Merci à vous, on reparlera de tout ça à la sortie de l’album (ndlr Alerte aux Zorkons, en librairie le 3 septembre 2010) !

Propos recueillis par Nicolas Raduget

Interview réalisée le 29 janvier 2010.

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