« Je vous propose un petit jeu. Prêts? A vos holoclaviers! Donc mes amis, si vous pensez que l’A.I. Tessa a fini complètement ratatinée comme une sorte de bouillie plasmique à l’intérieur de sa gemme… tapez 1! Si au contraire, vous pensez qu’elle est vivante, mais qu’elle a rejoint les pires criminels de nos galaxies, capturés pendant des millénaires par tous les possesseurs de cette gemme pénitencière… tapez 2! »
Alors que Tessa poursuit bien tranquillement ses aventures (façon de parler évidemment), leurs auteurs s’activent pour donner une dimension supplémentaire à cette série éminemment sympathique. Ces dernières semaines, les choses ont évolué avec l’annonce de Nicolas Mitric de laisser l’avenir de la belle A.I. aux seuls soins de son ami Louis, pour se concentrer sur d’autres séries (Kookaburra ou Arkeod notamment). Mais si la saison 2 a déjà pris tournure dans l’esprit des créateurs et si la série dérivée 42 va prendre un nouvel envol avec la participation d’auteurs de talent, il reste encore de belles mésaventures cosmiques à vivre pour la jeune Tessa. Et pour Louis d’autres projets à poursuivre en parallèle loin de l’espace.
Chronique du Tome 5
Retrouvez les couvertures des futures séries et quelques recherches en fin d’entrevue.
Bulle d’Encre : Bonjour ! Le Tome 5 de Tessa nous a immergé dans un monde clos alors qu’on avait pris l’habitude des grands espaces spatiaux. Comment as-tu imaginé cet univers intérieur ?
Louis : Salut ! Et bien, comme une espèce de bric à brac, et d’univers avec des règles différentes des nôtres. Planètes de toutes tailles, microcosmes, morceaux de landes de terres épars, bref, le bordel ! 😉
BDE : La fin de l’album est encore une fois très ouverte. Avec Nicolas, avez-vous toujours en tête la suite ou vous vient-elle plus tard ? Avez-vous déjà discuté de l’intrigue des prochains tomes ?
L : Oui, depuis le début, Nico a écrit l’histoire de la saison 1, jusqu’au Tome 8. tout est donc prévu, écrit et on sait exactement où on va, pour mieux surprendre les lecteurs. 😉
BDE : Récemment, tu as révélé la tournure que prendra la série. Une saison 2 commencera au Tome 9, dont tu seras scénariste et dessinateur. Comment s’est décidée cette évolution ?
L : Et bien, c’est Nico qui m’a proposé cela. En fait, il m’a avoué y penser depuis quelques temps. Il se rendait compte que les notes qu’il prenait pour la saison 2 faisait « redite » de la saison 1. Et comme je lui soumettais de plus en plus de trucs, et qu’il avait bien aimé ce que j’avais écrit en scénars, et bien il a eu l’idée de me proposer de reprendre le flambeau. Dans l’intérêt de la série, il a préféré se retirer afin de donner une autre « couleur » à la saison 2, plutôt que d’exploiter le filon. Je trouve que beaucoup d’auteurs devraient en prendre de la graine, et savoir se retirer quand il faut, et/ou passer la main. Comme le dit Nico, il a eu un bon maître, Didier Crisse, qui lui avait montré cette voie. Rien ne nous appartient, et encore moins nos persos. Ils acquièrent une « vie propre » en rencontrant le public, et cela va au delà des auteurs eux-mêmes. Dans l’intérêt des persos, il faut donc parfois lâcher prise, et leur laisser vivre leur propre vie. Un peu comme quand des parents doivent, un jour, laisser leurs enfants vivre leur vie.
Bref, merci à Nico, je suivrai ton exemple. 😉
BDE : Est-ce que le Tome 9 de Kookaburra Universe dont tu étais auteur complet t’a donné la confiance de poursuivre la série seul ?
L : Bien sûr !!! Je me suis éclaté dessus, et l’accueil public et critique ayant été très bon (merci merci), je me suis rendu compte que le scénar devenait quelque chose de très important pour moi.
BDE : La saison 2 de Tessa verra aussi l’héroïne prendre de l’âge. Est-ce que ça voudra dire que ses aventures seront plus adultes aussi ? As-tu déjà pensé aux changements de style que tu pourrais apporter ?
L : Je vais expliquer quelques points. Oui, Tessa sera plus vieille, alors qu’on avait dit jusque là qu’elle ne vieillirait pas. C’était aussi une façon de la différencier de Nävis, à laquelle on l’a longtemps comparée, même si cela va decrescendo les albums passant et les gens se rendant bien compte que ce sont deux héroïnes distinctes. Bref. Tessa ne devait pas vieillir… Mais si Nico était aux commandes ! La première chose qui m’a sauté au cervelet quand Nico m’a proposé de reprendre la suite, c’est que, autant je méclate avec une Tessa de 16 balais décrite par Nico, autant, en tant que scénariste, écrire les histoires d’une ado de 16 balais, ça me gave. Nico, c’est un papa, qui aime ça, moi pas. Je n’ai pas cette fibre là. Et j’écris naturellement des choses plus sombres. J’en ai été le premier surpris, pour mon 42 T1, puis Kooka U, Husk et ce que je prépare actuellement, mais bon, c’est comme ça.
Mais Tessa c’est Tessa, et comme je le disais, le perso, en quelque sorte, ne « m’appartient plus ». Le public attends des « codes » pour les personnages qu’il aime. Et donc, ces codes seront présents dans Tessa. Le côté « poigne de fer dans un gant de boxe ». Mais Tessa sera une « vraie » héroïne en saison 2, dans le sens ou elle ne suivra plus un mentor, ni ne « subira » ce qui lui tombe dessus. Elle sera plus réfléchie et posée sur plein de domaines… Sauf en ce qui concerne son talon d’achille. Les hommes ! Hé hé hé Là, dans ces situations, on retrouvera la Tessa gaffeuse, maladroite et ce sera source de gags ! Mais oui, l’histoire de fond sera forcément plus en accord avec mes histoires plus « adultes » que ce que Tessa vit en ce moment.
BDE : En parallèle continuera la série dérivée 42 Agents Intergalactiques. Cette fois, tu confieras les albums à d’autres auteurs, comme GeyseR ou Anne Rouvin. Peux-tu nous parler d’eux et de ce que tu attends de la série ?
L : Alors déjà, le Tome 2, qui arrive pour Angoulême, est toujours dessiné par moi, mais scénarisé par Jean-Marc Lainé (Omnopolis) même si j’ai beaucoup mis mon nez dedans, parce que depuis que je sais que je reprends la saison 2, je me suis attelé à avoir un lien cohérent entre le tout. Nitaar sera un perso récurent de la saison 2, ainsi qu’Ari, l’A.I. du Tome 2. Les éléments que l’on verra dans les 4 tomes restant le seront tout autant ! Mais je reviendrai la dessus dans la réponse suivante. 😉
Alors, concernant les 4 tomes (3 à 6) déjà, c’est Jean-Luc Cano qui scénarise le tout. On a fait un vrai travail d’équipe, lui et moi, pour pondre un truc vraiment cohérent, ou vous verrez la vie d’un AI, de son recrutement à ses hauts faits d’armes. Vous en apprendrez plus sur l’histoire de notre univers aussi. Et de son passé obscur… C’est lui qui a proposé à Anne de faire le Tome 3, et je peux vous assurer que les planches sont de toute beauté, avec les couleurs de Seb Brunet dessus ! Ça va donner, ils font une super équipe tous les trois ! Ensuite, que dire de GeyseR si ce n’est qu’il va assurer une trilogie sur UN A.I., pour les tomes 4,5 et 6, et qu’il le fait avec tout le talent qui est le sien. HUGE ! Il n’y a qu’à voir les premières planches pour voir que ce gars là a de l’avenir et un talent monstre.
BDE : Entre Tessa et 42, il y a plus qu’un univers commun puisque il y a certaines interactions et de nombreuses références. Penses-tu pouvoir enrichir ces échanges à l’avenir ?
L : Oui ! Comme je viens de le dire, je m’arrange, depuis le début, mais à fortiori au vu de la saison 2 de Tessa, de rendre le tout cohérent. Attention, je m’arrange par contre pour que Tessa saison 1, Tessa saison 2 et 42 soient trois séries à part entière. Cohérentes et lisibles indépendamment des autres. Mais je m’arrange pour que les gens qui découvriront Tessa à la saison 2 puissent se dirent : « Tient, d’où vient cette héroïne ? » Hop, cf la saison 1 un peu comme une préquele. Ou « tiens, qui sont ces autres A.I. ? », « quel est ce pluriconsulat qui semble plus sombre qu’il n’en a l’air ? », « qui sont ces Viéjecillos ? », ces méchas dont on commence à entendre parler lors du combat entre Swidz et un robit dans le T4, etc.
BDE : Il y a peu de temps encore, croyais-tu réussir à multiplier tous ces projets ambitieux qui doivent te prendre beaucoup d’énergie ?
L : En fait, j’ai limité 42 à 6 tomes. Une série complète, afin de ne pas se disperser et se concentrer sur une grande histoire transversale complète, cohérente, qui fonctionne. Et oui, ça demande BEAUCOUP d’énergie, ce n’est pas pour rien que j’ai annulé ma dernière tournée de dédi, et que je vais faire supra light là dessus à l’avenir…
BDE : On connaissait ton talent pour dessiner de belles femmes dans tes séries ou dans Les Filles de Soleil notamment. Et justement, voici les Red Hot Ladies, des pin-ups charmantes qui ont droit à leur blog et bientôt à leur beau livre. Comment est née cette idée ?
L : C’est une idée de ma femme, Véra, aka Serial Color. Elle s’est lancée en tant que coloriste il y a moins d’un an et, entre deux essais, elle me demandait de faire des pin-ups pour qu’elle s’entraine. Et comme j’essaie de faire en sorte que tout serve à quelque chose, j’ai fait le blog. C’est ensuite elle qui choisit les thèmes, les noms, voire me dit quelle mise en scène faire pour les Red Hot Ladies.
BDE : Vos pin-ups sont à la fois modernes et rétro. Quelles étaient les références ?
L : En fait, on est parti de pin-ups fetish modernes, plus comme Dita Von Teese que des pin-ups classiques rétro. Le but étant que, pour une fois, ce soit des pin-ups imaginées, mises en scène et colorisées par une femme. La mienne en l’occurrence, et dessinée par une homme, le sien. C’est aussi ce qui fait que les Red Hot Ladies sont des pin-ups qui ont une petite touche « différente », elles sortent d’un imaginaire féminin, interprété par une sensibilité masculine.
BDE : Les Ladies sont plutôt très agréables à l’œil, grâce à toi mais aussi grâce à ta femme qui montre un talent certain. Mais je doute que tu lui aies confié ces pin-ups simplement pour lui faire plaisir. Comment s’est-elle lancée dans ce rôle ?
L : Aah ! Comme ça commençait à aller sérieusement mal dans la boite dans laquelle elle était, je lui ai dit qu’en cas de licenciement, je lui apprendrais à faire des p’tits trucs, « en attendant », genre aplats couleurs, etc. Mais l’idée à germé dans sa tête et elle a voulu essayer. Je lui ai alors dit que plutôt que faire des aplats, autant essayer la couleur direct. Elle a démissionné et s’est lancée. Et voilà, depuis elle a lu toute ma collec de BD et a changé sa vision du monde. Car comme le dit Bouc, les auteurs ont un autre œil sur le monde qui les entoure. En effet, là où tout le monde regarde un objet, un auteur le « voit », cherchant à comprendre comment il fonctionne, comment se placent les ombres, lumières et couleurs, etc. On a une déformation professionnelle qui tend à tout « comprendre ». Et Véra a eu cette rigueur, pour comprendre, digérer et progresser.
BDE : Faut-il donc coucher avec toi pour être ton coloriste ? Ça fait un peu peur pour Sébastien Lamirand… 😉
L : Non, pour coucher avec moi, il faut juste être ma femme, Véra. C’est chasse gardée. Après, je peux bosser avec n’importe qui ! 😉
BDE : L’attente entre l’ouverture du blog et l’annonce d’un éditeur pour la parution en album a été assez courte. Quand pourrons-nous effeuiller… pardon feuilleter ces belles ?
L : Pour la Saint-Valentin 2010. Et c’est Clair de Lune qui s’est montré intéressé pour faire un beau livre carré qui sortira avec un cahier supplémentaire d’auteurs invités, donnant leur version de certaines des Red Hot Ladies. 😉
BDE : Malgré tous ces projets, une autre série BD va bientôt voir le jour.
L : Absolument. J’ai signé au Lombard avec Véra, pour une nouvelle série en diptyques, Escobar le dernier Maya, dont les deux premiers tomes paraitront en 2011. Le pitch : « Du 16ème siècle à nos jours, aventure, action, mystérieuses cités perdues, créatures fantastiques et pouvoirs défiant l’imagination des anciens Mayas sont au programme des aventures d’Escobar, le dernier Maya ». Mais cela fera peut être l’objet d’une autre interview ? 😉
BDE : On n’y manquera pas ! Merci pour tout et à bientôt !
L : Merci à toi ! Longue vie à Bulle d’Encre, et aimez-vous les uns les autres ! Un peu de baba cooleurie ne ferait pas de mal en ce moment ! 😉
Propos recueillis par Arnaud Gueury.
Interview réalisée le 5 juin 2009.
Découvrez plus d’infos sur les différents blogs de Louis : Tessa-42, Red Hot Ladies, Escobar et l’univers étendu d’Escobar, et sur celui de Véra : Serial Color.
© MC Productions/Mitric/Louis
© Editions du Lombard/Louis/Daviet
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