En plein tumulte du Salon du Livre de Paris, bien loin des files de lecteurs interminables, existait un lieu paisible et reposant : le stand Dupuis. C’est dans cet endroit privilégié que nous avons rencontré deux auteurs que nous adorons. Tout juste arrivés de Belgique en compagnie de leurs épouses, ils nous ont accordé un entretien plein de… psychologie. Et la consultation était gratuite !
Chronique du Tome 15
Retrouvez un extrait de l’album en fin d’interview.
Bulle d’Encre : Bonjour à vous deux ! C’est un plaisir de vous rencontrer à Paris, ce n’est pas souvent qu’on a l’occasion de vous y voir.
Raoul Cauvin : Oui, c’est surtout qu’on ne nous y invite pas souvent ! On est parfois invités dans des festivals, pas dans ce type de salon. Ça ne me dérange pas, je préfère les festivals plus…
Bédu : Plus conviviaux.
RC : Voilà. Ici, avec les gens, on ne s’est pas encore parlés et on n’a pas trop le temps de discuter. Enfin bon.
B : Mais ça ne nous dérange pas non plus.
BDE : Revenons pour commencer à votre série commune. Comment vous est venue l’idée des Psy ?
B : Ça, c’est Raoul qui en a eu l’idée.
RC : En fait, psy c’est un métier que je ne comprends pas, que je ne saisis pas mais qui me surprend toujours. C’est un truc qu’on pourrait très bien faire nous-mêmes. Quand quelqu’un a une merde dans la vie, il faudrait lui apprendre à s’en sortir seul. Alors que le psychiatre va lui donner des médicaments, ce qui n’est pas nécessairement bon, et je peux en parler car j’ai connu des cas ; le psychologue, lui, va donner des conseils mais ça s’arrête là. Ils ne guérissent pas. J’ai tout un dossier sur les psy, fait par les psy eux-mêmes ! Le fait aussi qu’ils se fassent payer de la main à la main, ça me fait rigoler… J’en ai rencontré des « gentils » aussi !
B : Et en général, ils ont beaucoup d’humour.
BDE : Les gags vous viennent donc parfois d’anecdotes qu’on vous raconte ?
RC : Oui, dans certains cas. Pourtant j’ai déjà reçu des lettres qui disaient que je n’y connaissais rien. Si on a pris l’idée des psy, c’est pour englober tous les types de psy. On sait qu’il y a des différences entre psychiatres, psychothérapeutes, etc.
B : C’est une matière tellement large…
RC : Oh oui, elle est large ! Et elle a une telle responsabilité… Pour prendre des cas flagrants, on a eu chez nous l’affaire Dutroux, pareil pour Outreau. On s’aperçoit qu’une erreur est épouvantable. Ils peuvent permettre de relâcher dans la nature des mecs qui vont récidiver. Et là, ce n’est pas leur faute. C’est un métier fabuleux…
B : C’est une profession qui n’est pas réglementée. Psychiatre c’est un médecin, psychologue c’est avec un diplôme, mais pour le reste c’est très flou et on peut tomber sur un charlatan comme sur quelqu’un de très sérieux.
RC : J’ai une anecdote assez amusante. On était invité à parler de la BD à l’occasion du lancement d’un médicament, un neuroleptique. Il y avait aussi des psy.
B : Des psychiatres.
RC : Oui. Avant de parler de la série, passait un professeur. Pendant toute sa conférence, ils n’arrêtaient pas de discuter ensemble.
B : Ils n’écoutaient absolument rien !
RC : J’ai dit à Bernard (Bédu) : « quand on va s’amener avec notre BD, ça va être épouvantable ! » A moment donné, le type n’a pas parlé longtemps puisque personne ne l’écoutait, on nous présente, on s’installe et le brouhaha recommence. Au milieu de ça, une femme nous demande pourquoi on a pris les psy. A partir de là, ça a duré deux heures ! Ils ne comprenaient pas trop la raison, donc ça les a accrochés.
BDE : Grâce à cela, on peut obtenir des histoires savoureuses… Comment fonctionnez-vous pour la conception des gags ?
B : Raoul travaille sur beaucoup d’autres séries. Comme ce n’est pas une histoire à suivre, mais des petits récits complets, il ne m’en parle pas ou seulement de temps en temps. Quand je reçois le scénario, je le lis comme un premier lecteur.
BDE : Depuis le début de la série, beaucoup de BD ont été faites sur les métiers, notamment chez Bamboo. Qu’en pensez-vous ?
RC : Je peux répondre facilement. Je connais Olivier Sulpice (NDR : patron de Bamboo) qui est un garçon que j’adore. Quand je l’ai rencontré, il n’avait presque rien, il démarrait seulement et il m’a demandé ce qui marchait. Je lui ai répondu « ce qui est contemporain marche très bien ». J’avais dit la même chose chez Dupuis mais on m’a répondu « non, non, non ». Bamboo a foncé et chapeau, ça marche magnifiquement bien. Chez nous, on boit le bouillon…
B : Au départ, on ne pensait pas non plus métier.
RC : Si ! On pensait aux déménageurs, aux pompiers… Même les sports, Les Rugbymen c’est beau, le dessin est fabuleux. J’adore le mec, c’est quelqu’un que j’aime vraiment.
BDE : La conception aussi des albums est réussie, avec un gag qui se suit de la couverture jusqu’au quatrième de couv. C’est votre idée ?
B : Oui, c’est venu en travaillant le premier tome. Car le dessin en couverture n’a pas nécessairement un rapport avec le reste. On s’est donc dit autant faire un gag supplémentaire.
BDE : Vous êtes les seuls qu’on connaisse à le faire.
B : Ah oui ?
BDE : La maquette de la couverture est très bien aussi, avec un titre qu’on ne peut pas manquer.
B : On est justement en pleine discussion à ce sujet.
RC : (un peu irrité) Oui, et je la préfère nettement à ce que j’ai vu jusque-là…
B : Chez l’éditeur, certains voudraient qu’on la change. Dans leur esprit, ça fait un peu vieillot mais ce qu’ils nous proposent n’est pas très convaincant.
BDE : C’est pourtant la marque de la série…
B : Oui, c’est pour ça qu’on a du mal à accepter ce qu’on nous propose. Ce sera difficile de trouver quelque chose qui nous plaira plus que l’actuelle.
BDE : Raoul, parmi toutes vos séries, en avez-vous une qui vous tienne plus à cœur ?
B : Je ne suis pas là…
RC : (rires) Je vais vous dire Les Psy ! Hier, j’étais avec Laudec (NDR : qui est cette fois une table plus loin), j’ai répondu Cédric. Tout dépend de l’auteur qui est avec moi…
BDE : Si on vous demande quel est le dessinateur le plus sympa, on connaît votre réponse !
RC : Oui, ce sera Bédu !
B : Tu es coincé !
RC : Non, je les aime tous. On ne peut pas ne pas aimer une série. Si j’en fais une, c’est que je l’aime. Je suis comme un papa. Il faut aimer une série autant que les autres, sinon il ne faut pas la faire.
BDE : A ce sujet, certaines risquent de s’arrêter. Le prochain Sammy sera-t-il effectivement le dernier ?
RC : Oui. Malheureusement, trois séries vont s’arrêter : Sammy, Cupidon et Du côté de chez Poje. Le tirage est trop bas. Pour Sammy, c’est un accord entre Jean-Pol et moi. Jean-Pol est flamand, et il me l’a dit honnêtement, il gagne de l’or en barre en Flandre. Quand il fait Sammy, à la limite il perd de l’argent. Pourquoi continuerait-il ? Et puis il y a eu trop de temps entre le dernier et celui qui arrive. Mais on pourrait faire autre chose, on verra. J’aimais beaucoup cette série mais on n’est pas maître de tout.
BDE : Pour vous Bédu, d’autres projets en dehors des Psy ?
B : Non, pas pour l’instant. Je me trouve bien dans cette série. Avec l’âge, je suis de plus en plus méticuleux, donc je vais moins vite. Le temps qui me reste dans l’année, je le consacre à ma famille. J’ai des idées de temps en temps, mais ça n’insiste pas ! Peut-être un jour.
BDE : Côtoyer les fous ne vous dérange pas ?
B : Pas du tout, c’est une manière de se soigner.
RC : On nous raconte des histoires parfois, je me dis « non, ça je ne peux pas le faire » ! Il y a beaucoup de réel dans nos gags, mais aussi une part d’imagination.
B : Ce ne sont pas non plus des pathologies. On trouve surtout des petits travers qu’on a tous plus ou moins. Ça reste tous publics. Je sais que Raoul a parfois reçu des propositions de psy, mais ils se déchargeaient de leurs problèmes.
RC : Ah le sexe ! Pourtant je ne peux pas, ça reste de l’humour. Et eux de dire « mais si, c’est possible maintenant ».
BDE : On n’imagine pas ce genre de série aller plus loin que la dernière couverture.
B : Non, il est content de son corps, ça s’arrête là. C’est même presque effrayant de voir un beau corps !
BDE : Merci beaucoup pour ces réponses. Longue vie aux Psy !
Propos recueillis par Nicolas Raduget et Arnaud Gueury.
Interview réalisée le 14 mars 2009.
© Dupuis 2008/Cauvin/Bédu
Photos © BDE
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