Lors du festival BD de Vigneux, Tito était dans les invités… Tito, des souvenirs qui ramènent au collège et au lycée, où ses albums remplissaient les bacs du CDI, une des rares séries BD qui était jugée comme acceptable par les documentalistes et une des rares séries BD jugée acceptable qui était lue par les élèves (les autres étant pour la plupart des BD à vocation pédagogique). Et pourtant, malgré le succès et déjà une bonne carrière d’auteur, Tito a su rester quelqu’un de sympathique et surtout d’accessible. A l’occasion du 26ème anniversaire de sa série-phare Tendre Banlieue, nous l’avons interrogé pour vous.
Bulle d’Encre : Tout le monde a un jour vu dans sa bibliothèque de quartier ou le CDI de son collège un album de Tito… Mais qui est Tito finalement ? On ne vous connaît que très peu.
Tito : Il semble en effet que je sois assez apprécié par les professionnels du livre, ceux qui me servent de lien avec mes lecteurs. J’en suis d’autant plus touché que le choix est vaste dans la production et leur fidélité reste intacte. Cela dit, j’ose croire que s’ils achètent régulièrement mes albums c’est aussi parce qu’il y a une demande de la part des lecteurs.
Maintenant : qui suis-je ? D’abord un auteur de bandes dessinées passionné par son métier. J’ai commencé à être publié professionnellement à l’âge de 22 ans. C’était en 1980, dans la revue belge « Aïe ! » avec le premier épisode de Jaunes. Très vite après ont commencé à paraître les épisodes de Soledad dans la revue À suivre, éditée par Casterman. Puis Jaunes a été repris dans la revue Circus éditée par Glénat.
Comme vous le voyez : avant les albums, la presse a été très importante pour mes débuts.
BDE : D’où est partie l’idée de la série Tendre Banlieue ?
T : Au tout début, d’une volonté de casser une étiquette « adulte » qui correspondait à mes premiers albums. Je veux parler des séries Jaunes et Soledad qui s’adressent à un public plus adulte. La rédaction du journal Okapi du groupe Bayard-Presse ayant vu mon travail dans « À suivre » m’a demandé si je souhaitais faire des BD pour les adolescents. Cette proposition arrivait au bon moment. J’allais pouvoir vérifier si j’étais capable d’intéresser un autre public.
J’ai donc proposé le scénario de Virginie à Okapi. Il est devenu le premier épisode de la série Tendre Banlieue.
BDE : Comment travaillez vous sur un album (d’où vient l’idée de base puis sa concrétisation) ?
T : Il n’y a pas de règles. L’idée d’un nouvel album peut me venir à la suite d’une rencontre, d’un article lu dans un journal, d’un reportage vu à la télévision… Avant c’était aussi le courrier des lecteurs qui m’orientait, mais avec Internet, le courrier papier est devenu plus rare.
Une fois que le choix d’un sujet est retenu, je me documente très consciencieusement. La recherche de la documentation peut me prendre beaucoup de temps.
Quand le scénario est terminé (sa rédaction peut prendre deux à trois mois), je passe à la recherche de la documentation visuelle. Par souci de réalisme, je fais pas mal de repérages photos. J’aime beaucoup m’imprégner d’un lieu dans lequel j’ai déjà mis les pieds. Actuellement la réalisation du dessin, lui, me prend environ dix à douze mois. Il me faut donc plus d’un an pour réaliser un album.
BDE : La série Tendre Banlieue a 26 ans. Quel retour en avez-vous maintenant ?
T : Les mêmes qu’au tout début. Beaucoup de lecteurs s’identifient à mes personnages ; et c’était déjà comme cela dès les premiers épisodes parus dans Okapi. Maintenant, il m’arrive de plus en plus souvent de rencontrer des lecteurs qui ont grandi avec Tendre Banlieue et qui me parlent de la série avec nostalgie. Beaucoup me restent fidèles et cela donne des rencontres très agréables.
Le plus extraordinaire, c’est que les lecteurs du journal Okapi se renouvellent tous les deux ans en moyenne, et que les nouveaux lecteurs continuent à suivre l’évolution de la série. Cette fidélité, on la retrouve toujours auprès des nouveaux lecteurs qui découvrent Tendre Banlieue. C’est ce qui me fait continuer.
BDE : La société a beaucoup changé en un quart de siècle, notamment la vision de la banlieue. Comment avez-vous ressenti cette évolution ? Et comment l’avez-vous retranscrite dans vos albums ?
T : La société a changé, mes histoires évoluent et changent aussi. Quant à la vision de la banlieue : je n’ai jamais suivi le formatage que les médias, en particulier la télévision, ont toujours voulu souligner pour donner une image des banlieues. Je dis bien « des » banlieues. Car il existe autant de différence entre chaque commune qu’il y a entre chaque culture, chaque groupe de gens qui y habitent.
D’autre part, je ne parle pas forcément des cités, je parle de la banlieue que je connais. Dans laquelle j’habite depuis plus de quarante ans. Ce ne sont pas les décors qui m’intéressent, mais les gens qui y vivent. Si j’habitais dans une ville de province, je raconterais la même chose dans les décors d’une ville de province.
BDE : Vous êtes seul aux commandes et avez un grand souci du détail, autrement dit, le travail réalisé pour un album doit être conséquent. Vous n’avez pas envie, parfois, de travailler avec un autre auteur pour vous alléger ?
T : Je l’ai déjà fait pendant dix ans, avec la série Jaunes, je m’occupais uniquement des dessins et de la couleur, les scénarios étant réalisé par Yan Bucquoy. Pour l’instant, j’ai toujours autant de plaisir à écrire qu’à dessiner, je n’envisage pas, dans l’immédiat, d’alléger mon travail.
BDE : Vous évoquez dans vos albums des thèmes assez forts, comme le SIDA, l’homosexualité, les relations familiales, la drogue, le racisme. Quels sont les prochains thèmes que vous souhaitez évoquer ?
T : Il y en a beaucoup, mais là je préfère ne pas trop dévoiler les sujets à venir. Vous avez dû remarquer que je n’annonce pas le contenu d’un épisode dans son titre. J’aime bien laisser la surprise au lecteur. Si vous le permettez, laissons lui la surprise pour les prochaines histoires.
Car rassurez-vous, il y en aura encore d’autres. En fait si on observe notre société, les sujets qui la concernent sont inépuisables.
BDE : Comment voyez-vous l’avenir de la série ? Ou d’autres projets en cours à continuer ou tout simplement à faire vivre ?
T : Quand j’avais commencé la série Tendre Banlieue, je m’étais dit que je la poursuivrais tant que j’aurais le même plaisir à la réaliser et tant que des lecteurs s’y intéresseraient. Je sais parfaitement que ce genre d’histoires ne peut pas être fait en se forçant. Même si ce n’est pas toujours facile, à chaque création d’un nouvel épisode, mon plaisir est identique. Quant aux lecteurs, ils sont toujours là, malgré les changements de la société. Certains me restent fidèles, de nouveaux arrivent. J’ai encore des choses à raconter.
Il n’est pas exclu que parallèlement à Tendre Banlieue, je développe d’autres projets. Nous verrons cela plus tard…
BDE : Merci !
Propos recueillis par Anne-Gaëlle et Anthony Roux.
Interview réalisée le 8 décembre 2008.
© Casterman/Tito
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