Rencontre avec Rudy Spiessert – Auteur des Villes d’un jour

« Tout le monde s’accorde à dire que les meilleurs, au trapèze, c’est les Mexicains. En plus ils ont des super costumes avec des sombreros. Et le meilleur des trapézistes mexicains, c’est le grand Rodrigo. Ce type-là, c’est la classe incarnée (selon mes critères de 1981). Il occupe une place importante dans mon panthéon personnel, quelque part entre Albator et Zorro. Sauf qu’en plus, il est vrai. »

Quand le dessinateur d’Ingmar ou du Stereo Club s’émancipe de son scénariste habituel pour relater son enfance dans un cirque, cela donne un album superbe, rempli d’humour, d’émotion et de souvenirs. Découvrez avec nous un auteur à suivre.

Chronique de l’album

Retrouvez un extrait de l’album à la fin de l’entrevue.

Bulle d’Encre : Bonjour ! Comme beaucoup d’autres lecteurs, j’ai été plus qu’heureux en lisant ton album. Etait-ce finalement le sentiment principal que tu voulais partager ?
Rudy Spiessert : Oui, je crois que quand on a eu une enfance aussi passionnante, aussi colorée, on a envie de partager ça.

BDE : Tu t’es engagé dans un récit très personnel pour ton premier album en solo. Etait-ce une évidence pour toi du fait de ton enfance particulière ?
RS : Ca c’est imposé naturellement, j’avais envie d’écrire sur ce sujet depuis quelques années, j’attendais juste d’être prêt.

BDE : A quel point l’album est-il autobiographique ? As-tu éliminé certains souvenirs ou ajouté d’autres pour romancer ?
RS : Non, ce sont tous de vrais souvenirs, j’ai juste pris des libertés avec la chronologie des événements et ajouté quelques personnages secondaires pour en faire un récit cohérent. Mais j’avais suffisamment de matière pour ne pas avoir à inventer.

BDE : Tu n’as pas oublié de montrer les côtés plus tragiques du cirque, comme les accidents ou l’illettrisme. As-tu hésité ou est-ce un aspect incontournable ?
RS : Je ne pouvais pas faire l’impasse sur ces aspects-là, le mélange permanent entre la poésie et le pathétique est ce qui rend le monde du cirque si particulier. Après, le risque avec ce genre d’histoire, c’est de tomber dans le misérabilisme. Il y a un équilibre à trouver, c’est quelque chose d’assez subtil, et j’espère y être parvenu.

BDE : Le dessin possède aussi un charme suranné, comme ces affiches dont le graphisme rappelle toute une époque. As-tu fait des recherches pour accentuer cet aspect ?
RS : Mes parents ont gardé pas mal de choses de cette époque, des affiches, des programmes… Je me suis replongé dans cette documentation avant de commencer l’album, pour m’en imprégner et retrouver des ambiances.

BDE : As-tu trouvé facile de gérer scénario et dessin ? Et as-tu d’autres projets en solo ?
RS : Facile, non. Ce fut assez laborieux mais très intéressant, je ferai certainement d’autres albums en solo mais pas dans l’immédiat. Et puis, en ce moment, je travaille avec Hervé Bourhis sur un album qui paraîtra dans la collection Aire Libre l’an prochain. C’est un gros projet, passionnant, qui va me demander de longs mois de travail !

BDE : Je trouve l’épilogue formidable, inattendu. L’as-tu imaginé rapidement ?
RS : J’aimerais dire que c’était spontané, mais non, je l’ai réécrit cinq ou six fois pour trouver le ton juste. J’avais envie de jouer avec les émotions du lecteur, le balader un peu…

BDE : Etait-ce plus facile de faire passer le récit à travers tes yeux d’enfant ?
RS : Là non plus, ce n’est pas calculé, mais c’était une évidence dès les premières pages. Un regard d’adulte aurait certainement rendu le propos plus distancié ou, à l’inverse, trop nostalgique. Je ne voulais surtout pas ça.

BDE : As-tu gardé des contacts avec des gens du cirque ?
RS : Très peu. J’en croise de temps en temps, mais par définition ce sont des gens qui voyagent en permanence à travers le monde et qui entretiennent peu de liens avec les sédentaires.

BDE : Au final, gardes-tu un souvenir positif de cette enfance dans un cirque ? Penses-tu que les conditions ont changé dans ce milieu ?
RS : Oui, c’est un très belle enfance, dont on ne peut qu’être nostalgique. Et en effet c’est un monde qui a un peu disparu, les cirques itinérants sont rares aujourd’hui et ils ne font pratiquement plus de villes d’un jour.

BDE : Merci beaucoup !

Propos recueillis par Arnaud Gueury.

Interview réalisée le 19 mai 2008.

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