Rencontre avec le dessinateur de Cassio, Henri Reculé. Cette nouvelle série, écrite par son scénariste fétiche Stephen Desberg, nous amène en pleine Rome antique à une époque où la morale était loin d’être le cadet des soucis des hommes de pouvoir.
Chronique du Tome 1
Retrouvez également quelques crayonnés et recherches de personnages ainsi que des fonds d’écran à la fin de l’interview.
Bulle d’Encre : Après Les Immortels et Le Dernier livre de la jungle, vous voilà à nouveau associé à Stephen Desberg, peut-on parler d’un duo indissociable ?
Henri Reculé : Je pense qu’on peut en parler comme d’un chemin qu’on parcourt ensemble, depuis bien 10 ans maintenant. Album après album, on essaye d’améliorer notre narration autant au niveau du scénario que du dessin. On tient compte de ce qui fonctionnait moins bien ici ou là. Il faut d’ailleurs dire qu’on se parle beaucoup sur chaque projet. L’idée étant qu’à sa parution, l’album soit autant le sien que le mien. Parfois, il y a des choses qui fonctionnent bien dans le scénario écrit, mais moins bien en dessin ; nos discussions nous permettent souvent de trouver la solution qui convient. Ou en tout cas, qui semble convenir sur le moment. Une semaine après la sortie des albums, il y a déjà des choses que je voudrais faire autrement. (Rires)
BDE : Cassio comptera au moins quatre albums et pourrait même compter jusqu’à une dizaine d’albums selon votre scénariste. S’investir sur le long terme ne vous fait-il pas peur ?
HR : Le nombre d’albums n’est effectivement pas encore arrêté. L’antiquité est suffisamment riche et passionnante pour donner matière à de bonnes histoires. Changer tout le temps de série n’est pas, à mon sens, toujours une bonne chose. Je crois que c’est aussi très intéressant de pouvoir suivre un personnage plus longtemps. Du moment qu’il y a matière. Comme je le dis plus haut, l’Empire romain me semble convenir à cela. Nous verrons. Sur un projet comme ça, cela dépend aussi de l’intérêt du public. L’univers des anges et des démons pour la série Les Immortels avait aussi ce potentiel, et on aurait été ravis de pouvoir développer beaucoup plus la série. Mais comme le public n’a pas suivi, on a préféré se limiter à 5 tomes. A contrario, le propos de la série Le dernier Livre de la jungle n’était pas extensible à l’infini et 4 tomes était une bonne formule pour ce genre de récit. Une intégrale prévue pour l’année prochaine lui donnera encore plus de sens. Surtout que j’ai pu corriger le tome 1 qui me semblait moins homogène.
BDE : Cassio est un jeune homme peu attachant au début de l’aventure du fait de ses fréquentations mais attire malgré tout la sympathie au fil du récit. Objectif atteint?
HR : Le problème avec les albums de 46 planches, c’est qu’on ne peut pas mettre tout ce que l’on voudrait. Le premier album d’une série est toujours une présentation des personnages. Dans ce sens, il me semble que Le premier assassin remplit bien son rôle. La partie contemporaine avec Ornella, l’archéologue, nous permet d’ailleurs d’en apprendre plus sur Cassio. Mais bien évidemment ce n’est pas son seul rôle dans les récits. Mais, chuuut, vous en saurez plus dans le tome suivant.
BDE : Un certain nombre de lecteurs de Cassio ayant intervenu sur le net reprochent le manque de détail apporté au dessin. Quel est votre point de vue face à ces critiques ?
HR : En général, je suis toujours ouvert à toutes sortes d’avis, positifs ou négatifs. Que ce soit de la part de Desberg, de mon éditeur ou des lecteurs. Cela étant dit, cette critique m’avait déjà été faite sur les tomes 1 et 2 des Immortels. Pour situer, les tomes 1 à 4 de cette série étaient en couleur directe et à l’époque je considérais que la couleur devait ajouter le « plus » au dessin. J’avais donc effectivement limité l’encrage au juste nécessaire. La critique m’avait donc interpellé et j’ai pris soin depuis de soigner mon encrage jusqu’à finalement décider de faire les planches de manière traditionnelle ; à savoir, avec une mise en couleur indirecte (bleus de coloriages). Ce qui m’oblige d’une certaine manière d’aller le plus loin possible sur le noir et blanc. C’est le cas pour le tome 5 des Immortels, les tomes 3 et 4 du Dernier Livre de la Jungle et à fortiori de Cassio. Je pouvais donc comprendre la critique sur Les Immortels, même Le Dernier Livre de la Jungle, qui a un dessin plus léger par moments. Pour Cassio, je ne suis pas vraiment d’accord. Par contre, je peux dire que les planches 1 à 20 (excepté la 13) me semblent, si je peux me permettre, moins bonnes. C’est un avis tout à fait personnel, lié au fait que ces planches ont été réalisées avant les tomes 3 et 4 du Dernier Livre de la Jungle… Et, j’ose espérer en toute modestie, que j’ai pu progresser entretemps (rires).
BDE : Certains vont même jusqu’à comparer Cassio au Scorpion, n’est-ce pas agaçant d’être perpétuellement comparé à Enrico Marini ?
HR : J’entends ici ou là cette comparaison, en effet. En l’occurrence, ce sont les journalistes qui m’en parlent. Cela dit, je ne sais pas si cet avis est si répandu dans le public. J’ai tendance à dire qu’il vaut mieux avoir de bonnes références plutôt que des mauvaises. Mais tout dépend aussi si la comparaison est dans un sens positif ou négatif. Personnellement, je ne trouve pas que nos dessins se ressemblent à ce point… Ce que nous avons vraiment en commun c’est le scénariste (rires). Je me souviens qu’à une époque, dès qu’un dessinateur faisait de l’Héroïc Fantasy en semi-réaliste, il était comparé en bien ou en mal à Loisel qui était la référence de l’époque (peut-être toujours maintenant). Je ne me tracasse donc pas, peut-être est-ce quelque chose comme ça.
Par contre, à mes débuts, pour la série Castel Armer, j’avais tendance à regarder le travail de Hermann sur Bois Maury, vraiment dans le sens « Comment encre-t-il ceci ou cela ». Avec le temps, et les albums, ça m’est passé. Et maintenant avec tout le travail que j’ai, je regarde peu les BD de mes collègues et j’en lis encore moins.
Enfin, pour être complet sur le sujet, je dois reconnaître que j’ai « pris » consciemment il y a de ça quelques années un « truc » de dessin à Marini, c’est sa manière de dessiner les ailes des nez de ses personnages… Je suis tout à fait sérieux. Il a une manière très élégante de les faire. Par la suite, je me suis rendu compte que Mignola ou Jim Lee, pour ne citer qu’eux, les faisaient aussi d’une manière avoisinante.
Enfin, ce que je fais volontiers, c’est de regarder le travail d’encrage épatant d’Alfredo Alcala sur Conan le barbare (crayonnés de Buscema). J’ai découvert ça quand j’avais 10 ans au Chili. C’est vraiment magnifique. Malheureusement les rééditions sorties par Soleil sont de très mauvaise qualité, je garde donc précieusement ce que j’ai pu trouver en français (éditions LUG des années 70), même si ce sont des éditions « expurgées » de certaines scènes de violence… Les murs « lavés » de coulées de sang, etc. (rires)
BDE : Vous vous intéressez à l’Egypte mais Cassio touche plus la civilisation Romaine qu’Egyptienne. Dans le futur pensez-vous travailler sur une série abordant cette culture ?
HR : Cassio ira lui-même en Egypte en temps voulu, je pense.
BDE : A quand la sortie du tome 2 ?
HR : Comme j’ai été déjà fort bavard, là je serais bref : juin 2008 !
BDE : Merci à vous !!!
HR : C’est moi qui vous remercie !
Propos recueillis par Nicolas Vadeau.
Interview réalisée le 24 août 2007.
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