Les Chroniques de Centrum T1 (Andrevon, Khaled) – Soleil – 12,90€

C’est la collection Mondes futurs qui accueille cette série, pour mon plus grand plaisir ! Que je vous explique. J’ai pris la chose à l’envers en découvrant la bande dessinée avant le livre originel, Le Travail du Furet. Je n’ai été déçue ni dans un sens, ni dans l’autre ! Il y a deux tomes, parus en 2004 : Le Travail du Furet et Le Furet et la Colombe. Un Tome 3 est a paraitre, pour clôturer la série. Je vous les conseille très fortement et je vous encourage à lire le livre aussi 😉

Centrum. Une ville, un monde.

Quelle ne fut pas ma surprise de m’apercevoir que le scénariste des Chroniques de Centrum n’était autre que Jean-Pierre Andrevon, auteur du livre Le Travail du Furet ! Autant dire que je me suis empressée de lire le bouquin : j’allais découvrir l’évolution – certes inversée – du travail d’un auteur sur un texte, sur un univers. Mais avant tout, un petit résumé.
Centrum est une méga mégalopole, dans Europa. Cette gigantesque ville fourmille de milliard de personnes qui s’entassent les une sur les autres. Sauf les riches, bien entendu, qui ont leur petit espace privilégié sous une bulle de verre. Hormis ceci, sous la pluie, il y a la Nécrozone. Soit 98 % des habitants qui se concentrent sur 90% du territoire vivable. Surpopulation me direz-vous ? Pénurie, rajouterais-je. C’est pour ces deux raisons que notre héros de fonctionnaire se lève tous les matins. C’est un furet. Son travail ? Il chasse le trop plein de gibier…
Un énorme ordinateur inviolable, Antropos, tire au sort chaque jour des habitants lambda – soit près de 400 000 par an – qui seront alors pris en chasse par ce contrôleur du Ministère de la Population. Mais pour faire ce métier il ne faut pas se poser de questions. Non. Il ne vaut mieux pas.

Auto-adaptation

Le premier tome des Chroniques de Centrum retrace le début du roman et sert d’introduction à un monde sombre et ténébreux. On suit les pensées du narrateur – du Furet – comme dans le livre. Le roman est la représentation de la société à travers les pensés du héros, il fallait réussir à retranscrire la même ambiance pour l’album. Chose plutôt bien réussie. Le scénario épouse la forme de narration spécifique de la bande dessinée. Il n’était évidemment pas possible de retranscrire toutes les réflexions du Furet, ni tous ses sentiments.
La force du livre se retrouve compensée par le dessin et des traits de Afif Khaled en harmonie avec l’univers d’Andrevon. On retrouve les phrases courtes d’introspection du narrateur dans les phylactères. L’essence même du roman est toujours présente. Ouf ! L’ironie, l’humour et le cynisme retrouvent aussi leur place dans cette adaptation. Pour tout dire, j’ai vu dans le livre une réflexion plus approfondie du personnage, mais l’univers était le même ! J’ai beaucoup aimé et j’ai trouvé très intéressant de voir l’évolution que peut prendre une histoire, remaniée par son créateur. Cela se remarque facilement avec le Tome 2, Le Furet et la Colombe.

L’auteur s’adapte donc à cette nouvelle manière de développer un récit et en profite pour ouvrir un peu plus son univers vers d’autres horizons. Il modifie quelques passages comme sa rencontre avec Joe (Tome 1) ou encore l’épisode avec le chat (Tome 2). Les rajouts effectués ne sont pas inutiles. L’histoire se complète un peu plus. Ainsi, on en sait d’avantage sur le passé du héros alors qu’on ne sait que peu de choses sur lui dans le roman. On découvre une autre facette de Centrum et de la violence qui y règne, avec le jeu des « arènes » en ouverture du Tome 2.
Cette auto-adaptation colle parfaitement au livre d’origine et l’histoire se complète d’elle-même avec les nouvelles ouvertures de l’auteur. Je conseille la bande dessinée à tous ceux qui ont déjà lu le livre, cela vous apportera une seconde lecture du roman et quelques précisions de plus !

Un trait racé

A histoire obscure et ténébreuse, mise en scène obscure et ténébreuse.
Afif Khaled signe ici le dessin et la couleur, et maîtrise tant son univers que celui de son acolyte. On a sous les yeux un travail recherché et réfléchi sur la meilleure façon de mettre en avant les paroles, les réflexions, les actions ou même l’environnement. Tout ceci se mêle et se fond avec des couleurs tant très sombres comme dans le premier tome, mais qui peuvent aussi venir éclaircir un album, comme c’est le cas dans le second opus. Qui n’en reste pourtant pas noir dans son déroulement… Les gros plans nous plongent au plus près des idées du contrôleur de la population. Khaled prend alors soin de détailler les traits du visage de ce héros tourmenté : c’est un régal que d’observer le tour des yeux ou encore des moitiés de visage ne serait-ce que pour voir les courbes du dessin entrer en accord avec ce que nous venons de lire.
De plus, les effets de mise en scène sont pertinents et novateurs ! Il y a des images magnifiques en pleine page : l’occasion pour l’illustrateur de nous donner une autre vision de Centrum – très détaillée ! – ou d’accentuer un effet dramatique. A noter que les deux albums finissent sur deux images en pleine page… On en redemande ! Les actions des personnages sont mises en exergue par des effets de couleurs, de gros plan – sur une main par exemple -, de contre jour ou d’image « vibrée »… J’ai déjà dit que c’était un régal ?

Comme vous l’aurez compris j’ai beaucoup aimé la bande dessinée et autant le roman ! L’adaptation est libre, mais l’auteur reste fidèle à lui-même en poursuivant le fil conducteur du roman. Il y a deux albums et l’histoire n’est pas encore finie. Le drame du livre vient de se jouer (héhé… hum), et je languis de voir le Tome 3 sortir pour constater les efforts de Khaled : comment le héros va-t-il se déchaîner ?! Et oui parce que je connais la fin moi. Dommage pour vous. Vous êtes obligés de le lire maintenant. Vous ne regretterez rien !!

Candice Dhô